SynopsisLe comte et la comtesse Zaroff vivent sur une île déserte, en marge de la société. Pour passer le temps, ils soumettent des jeunes femmes à des jeux pervers et les dévorent une fois assassinées. Mais quand Sylvia débarque, elle décide de ne pas se laisser faire et décide de défier l'autorité du couple...
Mon avisS’il est bien un réalisateur espagnol inclassable et
borderline, c’est bien ce bon vieux briscard de
Jess Franco. Avec plus d’une centaine de films au compteur en presque quarante ans de carrière, l’homme n’en est pas moins un attachant touche à tout qui s’est retrouvé dans tous les niveaux de l’industrie du cinéma (réalisateur, acteur, producteurs, scénariste, compositeur…) et ce, avec un degré d’implication total, malgré des œuvres en dents de scie et souvent limitées par des budgets faméliques. DIY avant l’heure
(comprenez "Do It Yourself"),
Jess Franco n’en a pas moins côtoyé les plus grands (dont
Orson Welles qui a fait appel à lui pour le tournage de l’inachevé
Don Quichotte) au travers de réalisations balayant un spectre large, du policier au porno en passant par l’horreur, l’espionnage ou la comédie…
En cette fraîche période de fin d’année,
Artus Films a pensé à nous, en mettant à l’honneur le réalisateur espagnol au travers de la (res)sortie de quelques perles du maître comme
Venus In Fur,
Plaisirs à Trois,
Célestine, Bonne A Tour Faire ou
La Comtesse Perverse.
Aujourd’hui, c’est sur cette sacrée coquine de comtesse que nous allons nous rincer les mirettes
(oui, j’aurais pu faire plus pervers comme introduction…).
Au sein de leur île privée, le Comte Rador Zaroff (
Howard Vernon), et son épouse, la Comtesse Ivana (
Alice Arno), s’adonnent à des mœurs libertaires pour le moins étranges : après des soirées libertines avec de jeunes filles, une partie de chasse est organisée, dont le gibier sont les demoiselles, poursuivie par la Comtesse, nue et son arc à la main. Les victimes finissent alors mangées par le couple d’aristocrates.
Mais quand la jolie Sylvia (
Lina Romay) manque de tomber dans le piège, les choses ne vont pas se dérouler comme à l’accoutumée…
En amoureuse du cinéma qu’elle est, la maison
Artus nous propose de (re)découvrir la version originale de
La Comtesse Perverse, c'est-à-dire la vraie version du film, non agrémentée de scènes olé-olé inutiles destinées à faire du remplissage et passer de l’autre côté de la barrière, c'est-à-dire dans le giron du film X
(désolé, bande de petits pervers ! Mais vous pourrez toujours vous rattraper sur les bonus du DVD…).
En effet, il faut savoir que la version "rallongée" de
La Comtesse Perverse (avec porno inside, donc) est intitulée
Les Croqueuses… alors que c’est exactement le même film à la base. Tout l'art du deux-en-un opportuniste si cher à
Jess Franco dans les 70's...
Bref. Passons.
Evoluant sur la trame issue façon de
Les Chasses Du Comte Zaroff, le film va vite prendre une forme plus déviante en se basant sur un érotisme prégnant directement inspiré des œuvres du
Marquis de Sade avec des ambiances relativement malsaines et ô combien bien maîtrisées. Il faut dire aussi qu’au début des 70’s, le réalisateur espagnol à l’habitude de travailler avec la même équipe et de développer ses univers sadiens au travers de nombreux films, souvent (in)directement liés entre eux (mêmes acteurs, mêmes personnages, même décors, mêmes histoires…).
Ainsi, la
La Comtesse Perverse ne semble pas y faire exception, puisque le métrage semble faire un vibrant écho à
Plaisirs A Trois, un autre film de
Jess Franco tourné un an auparavant, qui utilisait sensiblement la même idée du couple de la haute société qui cherche à pervertir et assassiner des jeunes filles…
Et même si les deux pellicules peuvent apparaître comme un simple copié / collé ou le résultat d’une manœuvre commerciale douteuse, il n’en reste pas moins que le metteur en scène développe encore plus ses obsessions sadiennes et sa singularité toute personnelle.
Comme on pouvait s'attendre avec ce genre de productions un peu à la marge du cinéma dit de "genre",
La Comtesse Perverse offre plusieurs lectures possibles dans la mesure où
Jess Franco s'en donne à cœur joie dans l'alternance des situations fantastiques (la maison des Zaroff en elle-même est un lieu étrange) et du mélange des genres toujours empreint d'érotisme.
Mais au-delà, de ces effets stylistiques assez crus (autant dans les prises que dans le grain de l'image) et datés, le réalisateur pose au centre de son sujet le rapport de l'être humain et de la chair. Un rapport à la fois primaire (la nudité, la sexualité..) et plus spirituel voire même quasi mystique dès qu’entrent en jeu les antagonismes vie / mort, homme / femme, dominé / soumis etc.
De fait,
La Comtesse Perverse prend énormément d'ampleur au fil du visionnage puisque le spectateur prend peu à peu conscience que l'œuvre proposé n'est pas un "simple" film érotique à la sauce
Zarofienne, comme il pouvait le penser de prime abord, mais plutôt un métrage alambiqué aux multiples facettes fantastiques qui invite à réfléchir.
En définitive, même si
La Comtesse Perverse reste un peu trop engoncé dans son faible budget, et que son scénario bien qu’assez audacieux sur le fond avec la symbolique de la "chair" sous toutes ses formes est assez improbable, il n’en reste pas moins l’un des films les plus marquants de
Jess Franco dans cette première moitié des 70’s, et se regarde avec un petit plaisir coupable et non dénué d’un intérêt certain.
Malgré quelques pépins financiers, l’homme a su apporter à son métrage une forte identité et une ambiance
érotico-poétique relativement accrocheuse.
Il y a à boire et à manger dans l’univers de ce bon vieux
Jess Franco… et c’est pour ça qu’on l’aime !