Breaking Bad

Comment plomber une série dès le départ ?

Prenons un type qui a un boulot de prof de chimie qui lui plaît sans plus et lui rapporte plutôt moins, l'obligeant à faire un autre boulot de laveur de voiture qu'il déteste. Ajoutons un fils handicapé, une femme enceinte qui n'a pas de boulot... Cloturons avec l'annonce à ce type qu'il va mourir très bientôt d'un cancer du poumon qui est en phase terminale...

Alors ? Joyeux ?

Ben oui !!! Jouissif !!!

L'idée de génie est que ce type, pour laisser un pactole à sa famille quand il sera mort, décide de créer de la méthamphétamine et de la vendre, s'associant par hasard à un pauvre junkie qu'il a eu jadis en cours. Comme son beauf est chef dans la police, service recherche de drogue, ça donne du génie à l'état pur !

Car les personnages sont fouillés, les intrigues travaillées (7 et 13 épisodes dans les deux premières saisons), on prend son temps, il y a une superbe mise en scène, en abîme...

Chaque situation est fouillée et exploitée au maximum (au hasard, ils tentent de tuer Krazy-8, hésitent, s'y mettent, etc... Il faut trois épisodes pour que la décision finale soit prise sans pour autant répéter les arguments ou s'enliser dans la routine mais en développant à chaque fois les propos).

Et des situations il y en a plein à traiter dans chaque épisode - tout se suit sur deux, trois chapitres ou sur le tout. On ne s'ennuie donc jamais et on est tenu en apnée - si, si, parfois, c'est dur de reprendre sa respiration - par ces deux gugusses toujours sur le fil, toujours sur le point d'être démasqué par la famille, d'être tué par des ennemis dealers, d'être rattrapé par la police...

De l'excellent travail de la part du créateur, Vince Gilligan, qui m'assurait déjà à l'époque que l'épisode d'X-Files que j'allais voir serait bon puisque c'était lui qui l'avait écrit...

Épisode 301 : Crash - Scénariste : Vince Gilligan
Quel plaisir de retrouver tout le monde quelques jours ou semaines après la fin de la saison précédente !! On retrouve chaque protagoniste dans son désarroi savamment cultivé, de nouveaux personnages mystérieux au possible dans des plans dignes des frères Coen tant les images, les cadrages, les couleurs sont soignés ! Avec, comme toujours dans la série, une question de fond sous-jacente : peut-on s'accepter soi-même, accepter les choses telles quelles sont ?
Une vraie merveille - LA série à voir (depuis le début sinon ça ne marche pas)

Épisode 302 : Tensions - Scénariste : Adam Bernstein
Tout l'art de Breaking Bad est celui de prendre son temps. Alors on le prend dans la recherche de "Qui est responsable ?", dans la famille, la séparation, le rejet d'un enfant avec Jesse, la vengeance que portent ces deux mystérieux et effrayant jumeaux silencieux... Et des conversations croisées, comme Skyler qui entend dans les excuses de son patron celles qu'elle ne veut pas laisser dire à son mari... De la bonne écriture qui aurait pu bénéficier d'un poil plus d'action ou de développement mais qu'est-ce que ça reste excellent...

Épisode 303 : Sur le fil - Scénariste : George Mastras
Tout le monde l'est, sur le fil ! Une bonne scène de tension quand Skyler appelle la police pour faire sortir Walter sur le fil de la dénonciation ; une bonne scène d'émotion avec Jesse -peu présent et un poil répétitif, dommage) sur le fil de la perte d'un être cher ; Hank sur le fil de l'agressivité face aux dealer (même si on ne comprend pas bien pourquoi) ; la rencontre entre les dealers... Tout tourne très bien autour de ce thème et pose des bases, on le sent, pour les épisodes à venir - même si ce serait bien qu'elles servent un peu plus rapidement comme le patron de Skyler posé précédemment...
On aimait Breaking Bad pour ses scènes de tensions ; on le retrouve dans des scènes toujours superbement filmées et mises en scène mais plus lentes et sans autre tension que "ça va prendre du temps pour réparer mes erreurs"...

Épisode 304 : Chiens et Chats - Scénariste : Sam Catlin
Les choses commencent à se décanter : Skyler et Walt sont de plus comme chiens et chats, dans la tension ; Walter avec son avocat, l'administration ; Gus qui utilise ça au mieux pour ses intérêts. On suit avec plaisir ces gens qui tentent de s'en sortir, chacun commençant à péter les plombs, Hank inclus, en se délectant sadiquement d'avance de ce que l'on devine devoir arriver. On vient de passer de l'autre côté du fil et c'est bon !

Épisode 305 : Retour aux affaires - Scénariste : Moira Walley-Beckett
Retour aux affaires pour tout le monde, Hank qui devient plutôt flippant (et qu'on revoit se rapprocher de Walt avec une bonne tension), Skyler qui ne sait plus trop où elle en est (mais comme on s'intéresse surtout à Walt, on s'en tape un peu) et surtout Walt !!! On est partagé entre plaisir et angoisse lors de la confrontation entre lui et Jess - leurs scènes étant les plus réussies et captivantes - et les imaginer séparer foutrait tout en l'air... On attend donc encore plein de belle surprises à la suite de cet épisode qui nous tient bien en haleine !

Épisode 306 : Le Camping-Car - Scénariste : John Shiban
Ce scénariste qui est également le réalisateur est un véritable tordu !!! Il retourne en un épisode tout ce qui s'est fait avant, remettant Jess et Walt dans le même panier pour une scène de tension superbement réussie avec un filet qui se resserre au plus haut point. On ne lâche pas une seconde cette épisode bourrée de trouvailles, d'ingéniosité, jusque dans les plans très réussis où le réalisateur, en posant sa caméra dans des endroits à part, donne une vision originale de tout ce qui se passe.

Épisode 307 : Vendetta - Scénariste : Thomas Schnauz
Tout s'emmêle, tout continue. Cet épisode retrouve les superbes plans larges ici et là, alternant les scènes d'action (la dernière sur le parking) aux longs monologues en caméra rapprochée (super osé pour une série mais combien réussi !). Recentré plutôt sur Hank, on (re)découvre le fond de cet homme, on s'inquiète, on s'angoisse. L'ironie est superbe pour ramener Jess dans le giron paternel et reconnaissant de Walt. Superbe comme toujours

Épisode 308 : Prise de pouvoir - Scénariste : Gennifer Hutchison
On est au chevet pendant tout l'épisode, à suivre ces gens qui attendent une nouvelle et on attend, on attend, on attend... C'est un poil long et il manque le génie habituel dans cette histoire. On suivra cette fois plutôt Gus qui est quasi le seul à être intéressant à marcher dans la gueule du loup, à gérer subtilement les problèmes... Je n'aurais guère pensé ça possible mais sur celui-ci, je reste à

Épisode 309 : Kafkaïen - Scénariste : Peter Gould & George Mastras
A nouveau, des choses se mettent en place : une excellente scène voit Skyler justifier l'argent sale de son ex-mari pour le forcer à l'utiliser pour Hank, ce qui est bien le comble qu'il soit soigné par l'argent qu'il combat. Jess remet un paquet de choses en question et envisage de faire cavalier seul... Et si tout cela est très bon, on voit tout de même que c'est une mise en place pour des choses à venir et cela prend un peu de temps - nécessaire comme creuser une fondation mais pas aussi agréable que de voir le travail fini...

Épisode 310 : La Mouche - Scénariste : Sam Catlin, Moira Walley-Beckett
On retourne au savoir faire incroyable de la série !!! Un huis-clos (écrit pour ne faire intervenir que deux comédiens par manque de moyens de la production) dont le but est d'attraper une mouche ! Et pourtant, tant de choses sont dites, oralement ou non, dans cet épisode !!! Du passé de chacun à leur caractère, de la relation d'amicale inimitié entre eux (amour vache mais protecteur) aux motivations et positions personnelles... Il y a même du suspens, c'est dire !! Un épisode magistralement écrit et interprété !

Épisode 311 : Société écran - Scénariste : John Shiban, Thomas Schnauz
Ou comment Skyler change du tout au tout et prouve avec pertinence et logique qu'elle doit être impliquée dans l'affaire ! Excellent. Une belle séquence d'ouverture et, comme toujours dans cette série, des accroches dans les épisodes précédents font sens. Ici, c'est le rassemblement des drogués et la mort de Combo qui se rejoignent ingénieusement à mon goût (certains pourraient y voir de grosses ficelles) prouvant que tout est lié et que Jesse a la faculté incroyable de toujours se fourrer dedans...

Épisode 312 : Demi-Mesures - Scénariste : Sam Catlin, Peter Gould
Un épisode bras de fer (au pluriel) entre Walt et Jesse, Walt et Gus, Jesse et Gus, etc... Du suspense partout avec de très bonnes scènes où, comme d'habitude, la tension est palpable grâce à un rythme lent, des dialogues ciselés et des acteurs de qualité. Quelques jolis monologues et une fin à laquelle on se s'attendait pas qui relance tout une nouvelle fois. Du grand art.

Épisode 313 : Pleine Mesure - Scénariste : Vince Gilligan
Comme dans précédemment, on oublie toute la famille de Walt. Et tant mieux puisqu'on peut pleinement profiter de l'écheveau qui s'est tissé lors des derniers épisodes où l'on croit que chacun a plus de coups d'avance que les autres pour constater que tout bascule à chaque fois. Rien n'est sûr, tout rebondit jusqu'au cliffhanger qui met un point d'orgue à cette saison. Classe !

Une saison globalement plus en dents de scie puisque tout a été dit dans les deux premières saisons et qu'il fallait donc renouveler, ce qui n'est pas forcément chose aisée...

Si Walt et Jesse gardent leur place en se fourant sans cesse dans de nouveaux problèmes, on voit une évolution dans la famille de Walt, du fils à la belle-famille qui ne servent plus à rien au fur et à mesure des épisodes et ont tendance à s'éclipser, voire disparaître.

On sent la saison de transition qui n'était peut-être pas prévue avec ce yoyotement : les amis de Jess reviennent pour faire acte de présence avant de disparaître ; celui-ci vit une brève relation qui ne sert en fait qu'à apporter un élément qui, une fois donné, nous débarrasse de la fille ; Skyler voit un type qu'on ne sait même pas ce qu'il devient ensuite...

En revanche, Skyler, l'avocat et Gus prennent de l'ampleur - ainsi que le tueur dont le nom m'échappe. La première avec un joli développement de son personnage, une affirmation pour le second et une présence génial pour le troisième - le tueur étant de plus en plus présent également avec caractère et intérêt.

Pour résumer, il y a des saisons de transitions qui sentent la mort d'une série ; celle-ci reste hautement de qualité et, espérons-le, permettra de recentrer sur les personnages principaux ou intéressant ce qui a eu tendance à se faire sur la fin.

Malgré quelques épisodes en dessous, on passe de très très bons moments !