ANALYSE DE LA SAGA ALIEN , LA SUITE
CHAPITRE 2 : ALIENS, LE RETOUR – James Cameron-1986
Avant de commencer précisons que nous parlerons ici de la version director’s cut et non de la version cinéma, qui une fois visionnée donne au film beaucoup plus de cohérence et de profondeur surtout dans la relation Ripley/Newt
Genèse :
7 Ans séparent le 1er film de sa suite signé James Cameron.
Un bien long délai qui s’explique par plusieurs points.
Tout d’abord le 1er Alien fut certes un choc pour les cinéphiles et les fans de S.F. mais il ne rapporta pas suffisamment d’argent pour que les pontes de la 20th century Fox remettent le couvert dans la foulée.
Ensuite, et surtout, ils n’ont pas de scénario.
Nous sommes alors en 1983 et le premier scénario original de Cameron qu’il va réaliser également, Terminator, a fait le tour de Hollywood .
Les producteurs de la Fox proposent un deal à Cameron : ils le laisseront écrire le scénario de la suite d’Alien et le réaliser si Terminator marche bien.
La claque que fût Terminator étant celle que l’on connait, voici donc James Cameron, énorme fan du film de Scott en charge d’écrire et réaliser la suite.
On peut ne pas aimer Cameron mais le fait est là : l’homme voit les choses en très grand, et pour se donner les moyens d’aboutir au résultat qu’il a en tête, n’a pas peur de prendre son temps et de se battre contre les studios.
A titre d’anecdote par exemple, Sigourney Weaver réclamant 1 million de dollars pour rempiler, les producteurs demandèrent à Cameron de réécrire le script sans elle.
Dieu merci il ne les a pas écouté, comprenant bien mieux qu’eux ce qu’il restait comme potentiel dans le personnage.
Inspirations :
De la même manière que Alien puisait ses origines dans la perte de foi des américains en leurs institutions mises a mal dans les années 70 avec le scandale du Watergate, Aliens puise les siennes dans LE traumatisme des mêmes années 70 : la guerre du Vietnam.
Pour preuve il suffit de voir le nombre de films produits en l’espace de moins de 10 ans après la fin du conflit :
voyage au bout de l’enfer en 1978,
Apocalypse Now en 1979,
Rambo en 1982 ou encore
Platoon 1986.
Achevé en 1975, l’issue du conflit Vietnamien est une déculotté infligée aux Américains sur militarisés par les guérilleros viet-congs, sous militarisés.
Cameron le confirme dans une interview concernant son film : « cette guerre à été la preuve que la technologie ne fonctionne pas, je voulait montrer cela dans mon film ».
Il s’inspirera même du syndrome d’ancien combattant du Vietnam qui avait besoin d’exorciser leur traumatisme en retournant sur place confronter leur peur, pour en faire la raison profonde et psychologique du retour de Ripley sur LV426 qui ne cesse revivre le massacre du Nostromo dans ces cauchemars
Aliens sera donc un Vietnam horrifique dans l’espace, où la technologie ne fonctionne pas, où les Aliens autochtones mettent une raclée à mains nues aux Marines et à leurs gros flingues et où les vétérans d’une ancienne guerre doivent retourner exorciser leurs démons.
Autre inspiration,
Shining, de Stanley Kubrick.
Après l’espace restreint du Nostromo dans le 1er Alien, l’action ici se perd en dédales de couloirs, de gaines d’aération interminables, de tuyau creux dans lesquels on rampe, bref un vrai labyrinthe perdu au fond de l’espace à l’image de l’hôtel Overlook de Shining autre labyrinthe perdu lui au fond de la montagne.
On retrouve d’ailleurs un clin d’œil au film de Kubrick avec le passage d’un enfant en tricycle dans les couloirs de la base des colons de la planète LV426 en echo à Danny, l’enfant héros de Shining.
Heritage et contrepieds:
En grand fan du 1er film James Cameron reprend les bases de l’univers original, mais il le respecte trop pour en donner une pâle suite qui nous resservirait les mêmes enjeux et les mêmes caractéristiques.
Sa solution est donc de reprendre les caractéristique du 1er film et de les prendre a contre-pied
On retrouve les sonars détecteurs de mouvements mais alors qu’ils n’était qu’anecdotiques dans le 1er film, ils sont ici au centre du suspens permettant au spectateur de visualiser l’avancée des aliens et donc de faire monter l’angoisse en nous mettant à la place des marines scrutant l’écran de la sonde.
Même traitement pour la scéne du réveil de l’hyper sommeil de l’équipage. Alors que dans Alien le réveil est une scène paisible filmée au ralenti baignée d’une lumière blanche, Aliens nous montre le réveil des Marines de manière bien plus musclée. Ça tousse, ça jure, ça vanne, bref on est chez les bonhommes.
à gauche le reveil paisible du 1er film , à droite le réveil musclé des marines du 2nd film
Idem pour l’être synthétique, Bishop, qui est là pour rappeler celui de l’épisode précèdent, mais qui est cette fois un personnage positif, qui va sauver la mise à Ripley.
Autre détail que les plus renseignés relèveront Cameron à repris littéralement une scène du 1er film coupée au montage pour la mettre dans son film,
Ripley devait flamber au lance flamme le capitaine du Nostromo qui la suppliait de mettre fin à ses souffrances, mais la scéne coupait le rythme de la fin du film.
Cameron lui l’inclus dans la section où les Marines retrouvent les colons fécondés par les aliens, où une femme supplie un Marine de la tuer avec cette phrase qui deviendra cultissime dans les aliens : "pleaaase, k-k-kill m-meee"
Sur le fond même du déroulement de l’histoire, Cameron prend le parti d’inverser la donne par rapport au 1er film. Ce sont effectivement les humains qui partent chasser de l’Alien…avant de rapidement se retrouver chassés eux-mêmes rejoignant ainsi le scénario du 1er film.
Welcome to Cameronland
Cameron à bien cerné qu’au delà du chef d’œuvre de S.F. qu’est Alien on est en présence de plusieurs facteurs qui peuvent porter cette suite au-delà d’une simple sequel.
- Il y a d’abord la thématique sur la relation mère/fille qui peut être poussée plus loin,
- On a aussi une héroïne, unique survivante laissée à la dérive endormie dans l’espace dont on peut par conséquent faire ce qu’on veut.
- Enfin on a évidemment tout l’héritage du premier film qui pose les bases d’un monde qui ne demande qu’à être enrichit.
Cameron face à une telle étendue de possibilité va se faire très plaisir et accoucher (oui je sais pour Alien elle est facile) de son film matriciel.
Regarder Aliens permet de voir ce qu’est encore jusqu’à aujourd’hui le cinéma de Cameron.
On y retrouve toutes les caractéristiques de ses futurs films, que ce soit dans les thématiques ou la caractérisation des personnages.
Un personnage principal féminin au caractère marqué ( le personnage de Ripley passe du statut de survivante miraculé à celui de guerrière chevronnée capable de prendre plus d’initiatives que Goreman, responsable de l’opération dépassé par les événements)
Une fascination pour les machines à la mécanique complexe et la grosse artillerie.
de Aliens à Avatr en passant par terminator, Cameron les gros flingues, il aime ça !
Aliens/avatar un petit air de famille dans les exo-squelettes ?
on retrouvera dans sa filmographie toujours la même critique d’une société capitaliste où la folie des hommes les mène à leur propre perte( à l’image du premier Alien.) que ce soit la weyland company dans Aliens, Cyberdine dans les 2 Terminator, la RDA Corporation de Avatar, tous ont en tête le profit au détriment de la vie
Enfin il semble intéressant de souligner que tout comme Sarah Connor, Ripley est une rescapée d’un danger qui dépasse l’entendement humain et que personne ne croit , mise à l'écart jusqu’à ce que le danger se manifeste réellement.
Allo maman bobo
L’enjeu du 1er film était la lutte d’une race pour sa survie associé au thème de la maternité. Cameron sentant le potentiel narratif qui réside dans cette thématique il pousse la réflexion jusqu’au bout .
Cela passe tout d’abord par le contexte du film.
Alors que dans Alien la menace pèse sur la famille qu’est l’équipage, Cameron décide que cette fois ci sur LV426, l’attaque des Aliens portera litteralement sur des familles de colons : Parents enfants, à l’arrivée des marines sur place tous ont été décimés, portant un cran au dessus le statut d’exterminateur de la race humaine qu’est l’Alien.
La seule rescapée sera Newt, une petite fille dont on voit le père avec un facehugger sur le visage au début de la version longue, illustrant d’avantage que dans la version cinéma le traumatisme de cette enfant.
Newt ne devra son salut qu’a sa faculté à regresser au stade animal,. Son prenom était rebecca, elle veux être à présent appelé Newt (salamandre) et elle vit dans un « terrier » au fond d’un espace de métal clos parmi des débris.
C’est cet enfant sauvage que décide d’apprivoiser Ripley.
La relation mère /fille de ces deux personnages est là encore une manifestation de l’envie de Cameron de creuser la thématique de la mère .
Là encore dans la version longue le thème de la famille est renforcé.
Ripley s’éveille après 57 ans d’hyper sommeil (bonjour l’haleine du matin !) et demande à Burke, délégué de la Weyland , des nouvelles de sa fille. Celle-ci est décédée, et il lui présente la photo d’une grand-mère, son ancienne petite fille qui a vieillit sans elle, et seule (« pas de famille, j’ai vérifié » lui dit Burke)
A la lumière de cette séquence clé, la relation Newt/Ripley prend un sens bien plus profond et par la même tout le film, son enjeu principal devenant alors une mère et une fille toutes deux orphelines , qui se récrée une cellule familiale dans l’adversité.
Pour preuve cette séquence à la fin du film où Newt saute au cou de Ripley en l’appelant « mommy ! ».
Le film se clos d’ailleurs sur Ripley sombrant dans l’hypersommeil, aux cotés de sa nouvelle fille, reprenant ainsi l’image de fin du 1er film mais y associant le symbole de la relation qui fût au centre de cette suite.
Le coup de génie de Cameron est de ne pas s’arrêter là.
Il tenait absolument à montrer la Mère des Aliens, là d’où ils venaient.
Ce sera chose faites avec la création de la Reine des Aliens, LA maman des xénomorphes.
Cameron en créant ce personnage phare de la saga pousse les détails jusqu’à imager le système d’accouchement de cette créature, dont le ventre transparent laisse apparaître des œufs qui sont ensuite pondus et qu’elle dispose autour d’elle.
En procedant de la sorte cameron nous expose clairement le combat de deux mères Ripley/Newt – Reine Alien/Aliens .
La difference entre les deux espèces est que bien que son organisme soit parfait et supérieur à l’humain qu’est Ripley , la reine n’hésite pas à s’arracher d’elle-même à son ventre enceinte pour aller affronter Ripley qui crame ses bébés, alors que Ripley ,elle, est venue dans la gueule du loup pour sauver Newt.
Cet affrontement final donnera lieu à la scène d’anthologie du film : l’affrontement mano a mano des deux mère et sa réplique culte « Get away from her you bitch ! » reprenant le « bitch « que ripley adressait à « mother » dans le 1er opus (soit Ripley aime insulter les figures maternelles, soit c’est voulu par le réalisateur
) .
les mères en viennent aux mains
Beware of your brother :
Autre thématique pérennisé avec ce film celui de la multinationale avide d’argent qui favorise le profit au détriment de la vie humaine.
Dans ce film donc, comme dans le premier, l’homme est définitivement un loup pour l’homme.
La surprise finale de Alien était que l’on se rendait compte que la Weyland company avait ordonné au vaisseau mother de ramener en priorité l’Alien au risque de tuer l’équipage.
Ce fait étant acquis, il parait évident pour Cameron qu’exposer que 57 plus tard rien n’a changé ne portera pas préjudice à l’intrigue.
Très vite donc on nous montre une commission de bureaucrate incrédule face à l’exposition des faits par Ripley, ou encore les responsables de la colonie qui se plaignent qu’on leur demande d’envoyer des colons explorer des endroits de la planète sans leur dire pourquoi.
Pas la peine d’être une lumière si on a vu le 1er film pour savoir qu’une envie de trouver une bêbête se cache derrière ça.
Pour dévoiler complètement la volonté de la compagnie de développer de la technologie basé sur l’organisme des Aliens, Cameron nous présente même une série de caisson de verre où sont littéralement cultivés et maintenus en vie des facehugger.
Cependant même s’il reprend ce thème, comme évoqué plus haut, Cameron prend le 1er Alien a contre-pied.
En effet, l’avidité et la bêtise de la compagnie Weyland est personnifié ici par Burke et non plus par un être synthétique, qui est ici Bishop.
Se basant sur l’attente du spectateur et de Ripley à ce que Bishop soit le pourri du film, Cameron se délecte à nous dépeindre Burke comme un faux gentil.
Lentement on se rend compte que cet humain n’à pas hésité a envoyé les parents de newt trouver les aliens, tente de tuer Ripley qui s’en est aperçu et laisse à la merci des aliens les marines en tentant de fuir.
Tout ceci est résumé en une phrase de Ripley à son encontre : « je me demande quelle espèce est la pire, au moins eux ne se baisent pas pour un pourcentage ».
Il est interessant d’ailleurs de noter que si Bishop est si gentil et aide autant ripley jusqu’à sa propre mort est dût à une programmation de ses constructeurs. L’humain est de nature pourri, le seul moyen d’en faire quelqu’un de bien est d’en construire un programmé pour cela.
Bishop le dira à ripley en mourrant : « not bad for a human » confirmant qu’elle fait exception à la régle.
On retrouve bien là le pessimisme du 1er Alien.
James Cameron reproduira ce schéma de méchant dans un premier film devenu gentil dans le 2nd avec Terminator, entraînant la même réticence de la part de l’héroïne à son encontre.
Héritage
Si l’apparition de l’horreur dans la S.F fit le succès de Alien, c’est le choc de cette imagerie guerrière moderne qui fera le triomphe de Aliens et marquera son temps.
La renommé de la saga doit beaucoup à cet opus que beaucoup considère comme supérieur au premier (question de goûts personnels).
2 chefs d’œuvres qui s’imposent comme deux références du genre dans une même franchise c’est assez rare pour marquer les esprits et décider la fox à mettre en chantier une suite… Alien3 que réalisera David Fincher en 1993, un film qui va gravement souffrir de la comparaison avec ses deux prédécesseurs (normal vu la qualité de ces derniers).