SynopsisAprès de nombreuses années de recherche, le prospecteur Sam Cooper découvre enfin un filon d’or. Pour l'extraire, il demande l’aide de Manolo, son fils adoptif qu'il a perdu de vue depuis des années. Celui-ci décide de rejoindre Sam, mais impose le mystérieux et taciturne Le Blond dans l'aventure. Devant le fait accompli, Sam sollicite alors la venue d'un ancien ami, Mason pour couvrir ses arrières, alors même que tous les comptes ne sont pas réglés entre les deux hommes…
Mon avisS'il est bien un film atypique dans le p'tit monde du western spaghetti à la fin des 60's, c'est bien
Chacun Pour Soi (
Ognuno Per Se).
Mis en boîte par
Giorgio Capitani, qui signe ici son seul et unique western (il a réalisé pas mal de péplums et d'innombrables comédies), le métrage reprend à son compte l'histoire du
Trésor De La Sierra Madre (1947) en faisant appel à deux anciennes gloires du western ricain oubliées de tous :
Van Heflin (
3h10 Pour Yuma,
Tomahawk,
L'Homme Des Vallées Perdues…) et
Gilbert Roland (
Le Trésor de Pancho Villa,
Bandido Caballero,
Les Cheyennes…) aux prises avec deux jeunes acteurs qui montent :
George Hilton (
Le Temps Du Massacre,
Je Vais, Je Tire Et Je Reviens et star de roman photos) et un certain
Klaus Kinski venu tout droit d'Allemagne fort de sa nouvelle popularité au travers de adaptations télévisuelles des nouvelles d'
Edgar Wallace.
Bref, dire que
Chacun Pour Soi possède en son sein pas mal d'éléments disparates est un doux euphémisme…
Après de nombreuses années de recherche, le prospecteur Sam Cooper (
Van Heflin) découvre enfin un filon d’or. Pour l'extraire, il demande l’aide de Manolo (
George Hilton), son fils adoptif qu'il a perdu de vue depuis des années. Celui-ci décide de rejoindre Sam, mais impose le mystérieux et taciturne Le Blond (
Klaus Kinski) dans l'aventure. Devant le fait accompli, Sam sollicite alors la venue d'un ancien ami, Mason (
Gilbert Roland) pour couvrir ses arrières, alors même que tous les comptes ne sont pas réglés entre les deux hommes…
Derrière ses approches à la fois américaines classiques (les rôles de
Van Heflin et
Gilbert Roland, les prises de vues…) et italiennes (les deux acteurs
Klaus Kinski et
George Hilton, la nervosité de la mise en scène), on va vite s'apercevoir que la construction narrative de
Chacun Pour Soi mise en place par
Giorgio Capitani (sur un scénario d'
Augusto Caminito et
Fernando Di Leo) est quant à elle, unique.
Unique, car il est clair que le film s'articule autour de ses quatre personnages principaux et que le western prend d'abord la forme d'un métrage mettant en avant les rapports humains entre les protagonistes. De ce fait, on a parfois l'impression de vivre un huis clos (avec des plans rapprochés dans la mise en forme), alors même que les grands espaces font partie intégrante du film, eux-mêmes mis en relief par une musique aux accents arabisants, loin des trames musicales à la
Ennio Morricone. Un parti pris audacieux pour l'époque…
C'est donc à partir des rapports humains très ambigus que
Chacun Pour Soi va se construire. Ainsi, deux duos vont tour à tour s'opposer et opposer les membres qui le composent… Une sorte de ménage à quatre, quoi…
D'un côté, les vieux acteurs américains
Van Heflin et
Gilbert Roland s'imposent comme un tandem de vieux roublards qui se détestent, mais qui se base sur une confiance réciproque afin de régler un vieux différent (
"je t'ai sauvé la vie car personne n'a le droit de te tuer… mis à part moi !").
De l'autre, le duo européen
Klaus Kinski et
George Hilton dévoile une rapport de domination entre Le Blond (
Kinski) et le jeune Manolo (
Hilton) et laisse sous-entendre une homosexualité latente et bien réelle entre les deux hommes (cf. la scène de la cigarette, censurée à l'époque…). Un thème nouveau dans le cinéma des 60's… et surtout tabou dans le monde du western !
A partir de là,
Giorgio Capitani, va mélanger les rapports entre ces quatre protagonistes et réussir à amener à la fois les ingrédients des grands classiques américains (
Heflin et
Roland composent un duo que tout oppose mais qui allient leur force pour chercher l'or) et de la surenchère violente du western spaghetti (le rapport pervers de domination / humiliation entre Le Blond et Manolo), de manière à mettre en place une trame parfaitement cohérente. Un véritable tour de force !
De plus, le choix des acteurs est parfait. Les vieux briscards américains maîtrisent leur rôle à la perfection (
Gilbert Roland garde toujours sa patte hispanique de bel hidalgo) et les "jeunes loups" que sont
Klaus Kinski et
George Hilton sont eux aussi impressionnants. Ainsi,
Hilton habitué aux personnages de
pistoleros froids et taciturnes (
Je Vais, Je Tire Et Je Reviens, notamment…) joue ici à contre emploi, en se mettant dans la peau d'un jeune homme perdu pris en étau entre l'amour charnel qu'il porte à son "tuteur" et la droiture que lui a inculqué son père adoptif, Sam Cooper.
Klaus Kinski lui, crève carrément l'écran dans son rôle de tueur pervers et manipulateur. Il avait déjà laissé entrevoir son potentiel quelques mois auparavant, au travers de son premier western,
Le Grand Silence (avec
Jean-Louis Trintignant). L'homme est littéralement habité par son personnage psychotique et livre ici une prestation tout bonnement excellente… qu'on retrouvera tout au long de sa carrière (
Aguirre, La Colère De Dieu,
Woyzeck,
Cobra Verde…)
A l'arrivée,
Chacun Pour Soi s'avère être un western remarquable à tous les points de vue et se place sans conteste comme un film à part dans ce genre cinématographique là.
Empruntant à la fois au western américain et au western italien, le long métrage de
Giorgio Capitani est une œuvre racée, haute en couleur qui ne suit qu'une seule voie : la sienne.
Encore une fois,
Artus Films a su nous régaler en nous faisant (re)découvrir cette petite rareté, et en agrémentant l'ensemble avec les commentaires intéressants du dessinateur
Curd Ridel, féru du western spaghetti (il a travaillé sur des éditions DVD de
Seven 7) qui nous en apprend plus sur la gestation de
Chacun Pour Soi et sur la trajectoire de ses différents protagonistes (acteurs, réalisateur, scénaristes…) dans l'univers du cinéma
Un DVD à posséder absolument !
Un petit bémol cependant : il ne faut pas regarder les commentaires de
Curd Ridel avant de voir le film (comme je l'ai fait), au risque de se voir spoiler toute la fin de l'histoire, puisque certains extraits présentés sont issus des toutes dernières minutes du métrage…
Pffff !